[ Featuring Annie Rozanne ]
Du paysan quittant sa t erre
Et le calme de sa chaumière
Croyant trouver plus fort salaire
Que fais-tu, Paris, que fais-tu ?
Du matin au soir dans l'usine
Devant une lourde machine
Ah ! tu lui fais courber l'échine
Paris !
Et lorsqu'enfin perdant courage
Il voudrait revoir son village
Tu le tiens dans ton engrenage.
Voilà ce que tu fais
Paris !
De la fillette rougissante,
Frêle créature innocente,
Qui vient chez toi comme servante
Que fais-tu, Paris, que fais-tu ?
Tu lui dis : << Ta maîtresse est belle
Pourquoi ne fais-tu pas comme elle ? >>
Tu lui donnes bijoux, dentelles
Paris !
Elle apprend les bonnes manières
Des catins, des aventurières,
Elle se brûle à tes lumières
Voilà ce que tu fais
Paris !
Du jeune fêtard inutile
Dispersant les billets de mille
Dans l'orgie et l'amour facile
Que fais-tu, Paris, que fais-tu ?
Chaque jour nouvelle maîtresse
Faux amour et fausse caresse
Ah ! tu lui voles sa jeunesse
Paris !
Et quand vanné, blasé, sceptique
Dans le mariage il abdique,
II récolte un fils rachitique.
Voilà ce que tu fais
Paris !
Et cependant, torrent qui gronde !
Tu conduiras toujours le monde
Par ton esprit, par ta faconde,
Tu le sais, Paris, tu le sais.
Chaque jour à ta noble histoire
Ajoute un nom, une victoire ;
Hugo, Pasteur chantent ta gloire
Paris !
Et s'élançant dans la fournaise
Aux accents de la Marseillaise
Tes fils ont fait Quatre-Vingt-Treize !
Voilà ce que tu fais
Paris !
De tes savants, de tes artistes
Inventeurs, peintres ou chimistes,
Philosophes ou moralistes
Que fais-tu, Paris, que fais-tu ?
Tu promets à tous la victoire
Mais ils crèvent de faim sans gloire
Et c'est toujours la même histoire
Paris !
Mais après leur mort, dans la rue,
Pour que l'ironi' s'accentue,
On leur élève une statue,
Voilà ce que tu fais
Paris !