1.
Y en a qui vous parl'nt de l'Amérique,
Ils ont des visions de cinéma ;
Ils vous dis'nt " Quel pays magnifique "
Notre Paris n'est rien auprès d'ça.
Ces boniments-là rend'nt moins timide,
Bref, l'on y part, un jour de cafard...
Ca f'ra un d'plus qui, le ventre vide,
L'soir à New York cherch'ra un dollar
Au milieu des gueus's, des proscrits,
Des émigrants aux cœurs meurtris ;
Il pens'ra , regrettant Paris :
R.
Où est-il mon Moulin d'la Plac' Blanche ?
Mon tabac et mon bistro du coin ?
Tous les jours étaient pour moi Dimanche !
Où sont-ils les amis, les copains ?
Où sont-ils tous mes vieux bals musette ?
Leur javas au son d'l'accordéon ?
Où sont-ils tous mes r'pas sans galette ?
Avec un cornet d'frites à dix ronds
Où sont ils donc ?
2.
D 'antres croyant gagner davantage.
Font des rêves d'or encore plus beaux
Pourquoi risquer un si long voyage
Puisque Paris est plein de gogos ?
On monte une affaire colossale,
Avec l'argent du bon populo,
Mais un jour, crac ...c'est le gros scandale :
Monsieur couch'ra ce soir au dépôt !
Et demain on le conduira
Pour dix années à Nouméa.
Encor un de plus qui dira :
R.
3.
Mais Montmartre semble disparaître
Car hélas de saison en saison
Des Abbesses à la Place du Tertre,
On démolit nos vieilles maisons.
Sur les terrains vagues de la butte
De grandes banques naîtront bientôt,
Où ferez-vous alors vos culbutes,
Vous, les pauvres gosses a Poulbot ?
En regrettant le temps jadis
Nous chant'rons songeant à Salis,
Montmartre ton " De Profundis ! "
R.