Dans la cour de l'école
On m'appelait "pot de colle".
Dans la cour du bahut
On m'appelait "la glu".
On m'appelait "la sangsue".
On m'appelait "le morpion".
Enfin bref, on m'donnait
De jolis petits noms.
Pour se faire un blason
Fallait s'battre dans la rue
Sous les acclamations.
Mais en tant qu'avorton
Vu mes dispositions
Pour la boxe à mains nues
J'me suis fait cracher d'ssus
Et appeler "tartempion".
Mais la nuit, dans mes reves
On m'appelait "mon p'tit lu"
"Ma colombe", "mon Jésus"
"Mon loukoum" ou "ma fève".
Dans la cour de l'immeuble
Je regardais les filles.
Je f'sais partie des meubles.
J'étais de la famille.
J'étais l'frère de ma soeur
Et malgré ma douceur
Quand je m'approchais d'elles
Je tenais la chandelle.
Elles voulaient des boxeurs
Et des déménageurs
Et des maîtres nageurs
Mais pas l'frère de ma soeur.
Elles voulaient du robuste
Et du poil au menton.
Moi, j'étais un arbuste
Et j'avais des boutons.
Mais la nuit, dans mes reves
Elles m'appelaient "mon p'tit lu"
"Ma colombe", "mon Jésus"
"Mon loukoum" ou "ma fève"
"Ma colombe", "mon Jésus"
"Mon loukoum" ou "ma fève".
Dans les allées du parc
On m'appelait "cuisse de mouche".
J'attirais les maniaques
Et les saintes-nitouches.
Et les fois peu nombreuses
Où nos mains se joignaient
Ma petite amoureuse
Me tordait le poignet.
Mais la nuit, dans mes reves
Elle m'appelait "mon p'tit lu"
"Ma colombe", "mon Jésus"
"Mon loukoum" ou "ma fève".
On me tape dans le dos
On m'appelle "mon vieux".
On soulève son chapeau
On m'appelle "monsieur".
"Mon vieux" pour les intimes
Et "monsieur" pour tout l'monde.
Un monsieur anonyme
Dont les rues sont fécondes.
Mais la nuit, dans mes reves
On m'appelle "mon p'tit lu"
"Ma colombe", "mon Jésus"
"Mon loukoum" ou "ma fève".
Quand mon cerveau est mou
On m'appelle "Dugenou".
Quand mon cerveau est lent
On m'appelle "Dugland".
Dans mon automobile
Au milieu des klaxons
Dans mon automobile
On m'appelle "ducon".
Mais la nuit, dans mes reves
On m'appelle "mon p'tit lu"
"Ma colombe", "mon Jésus"
"Mon loukoum" ou "ma fève".